Les mots d’Aragon

Aurélien est un chef d’oeuvre d’écriture, un récit porté par la plume de l’auteur, par ses phrases qui touchent quant on attend de l’action là où il n’y a que des mots.

Je m’attendais à lire une sublime histoire d’amour. C’est cela que je projetais sur ces 700 pages : une passion à tout bouleverser. Il n’en fut rien. En fermant ce livre je suis sceptique, et je doute qu’Aurélien et Bérénice ne se soient jamais aimés.

Une femme pour un homme, c’est d’abord un miroir, ensuite un piège…Un monde de complications. Un monde.

Passé l’entourloupe faite à mon horizon d’attente, c’est un roman sublime : sur une époque, sur la société d’entre-deux guerre de Paris et ses mondains. Il faut donc accepter les convenances. Société de paraître, où l’orgueil et l’ambition des hommes orchestrent leurs liaisons, où les femmes sont des objets de contemplation, des muses, qui ont parfois l’avantage d’être fortunées. On plonge dans un univers désuet où le héros est terriblement contemplatif, apathique et misogyne… où l’héroïne n’a pas beaucoup plus d’épaisseur que le masque de plâtre mortifère qui s’effrite entre leurs doigts.

D’ailleurs ce qu’une femme dit compte si peu. Sur un sujet pareil. Les paroles servent à masquer les sentiments, non à les exprimer.

Ce roman m’a laissé dans le même état d’agacement à l’encontre des personnages que la Princesse de Clèves : une vie gâchée pour rien, pour une fuite au lieu d’aimer. Et pourtant j’en ai apprécié l’écriture, la construction, les digressions. J’ai été happée par ce suspense de chaque rencontre, toujours interrompue par un indésirable qui empêche le premier baiser d’arriver, les vraies déclarations, et l’éclosion de la passion.

Bérénice avait peur d’elle-même, plus que d’Aurélien. Peur de la blessure terrible d’une désillusion. Elle savait ce qu’est le puits d’une désillusion. Elle savait ce que c’était que d’en sortir. Assez pour deviner comment il était possible qu’on n’en sortit pas.

Ce récit interroge le sentiment amoureux soumis à des contingences inenvisageable à notre époques. L’amour d’Aurélien est corollaire de son oisiveté, celui de Bérénice de son déracinement, leur idylle est fabriquée de toute pièce par un cousin arriviste, qui s’amuse de ses proches, comme d’un jeu inconséquent.

Qui a le goût de l’absolu renonce par là au bonheur.

L’amour y est inconséquent et c’est peut-être cela qui m’a manqué, cette absence de chamboulement profond qui participe pour moi du véritable sentiment amoureux.

Que ma vie est pâle derrière moi! Rien ne s’y est inscrit qui en valût la peine. est-ce ainsi pour tout le monde? Il doit y avoir des destins chargés de soleil, comme les raisins noirs. Pourquoi pas moi?

Avez-vous lu ce classique ? Qu’en avez-vous pensé ?

D’autres lectures à me conseiller ? Des vraies histoires d’amour sans concessions ?

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