Les mots d’Eric-Emmanuel Schmitt

La mère de Félix est malade. Son idole a perdu sa lumière, elle s’est éteinte sous la maladie-malédiction qui l’a frappée d’un coup, sans prévenir au milieu de son bistrot. Elle passe désormais ses journées nimbée des vapeurs de javel dont elle aseptise chaque recoin de son commerce, pour s’effacer, se laver de son identité, tout oublier.

C’est une maladie du chagrin. Les docteurs emploient le terme « dépression » quand quelqu’un devient soudain plus cafardeux que la veille sans que rien n’ait varié ; la lassitude encombre, envahit et bloque tout.

Surgissent de son passé inavoué des hommes pour la sauver d’elle-même. Des figures masculines avec lesquels notre jeune héros Félix devra composer pour guérir sa mère, la ramener à elle par un voyage dans son pays d’origine : le Sénégal.

Ce roman est un conte moderne aux personnages bigarrés et touchants. Une jolie ode à nos familles de loin et à celles que l’on se construit au fil de notre existence : ces amis engoncés dans leur timidité, ces jusqu’au-boutistes, ces philosophes de comptoir, ces travestis au grand cœur, ces lâches… sur lesquels on peut compter pour égayer notre quotidien.

Quiconque estime qu’une conversation s’achève quand l’essentiel est formulé ignore tout de la palabre africaine… Les squelettiques idées, il faut les habiller de chair, de vêtements, de couleurs, sinon elles tombent en poussière, et l’on n’y parvient qu’en variant les tons, les rythmes, les mots, les expressions, en les abordant par la droite, par la gauche, par le dessus, par le dessous, en les chantant, en les murmurant, en les scandant, en les criant, jusqu’à leur conférer la densité familière des vivants.

Ce livre n’est pas de ceux qui va bouleverser profondément qui vous êtes, mais il accomplira parfaitement sa mission de vous divertir, de vous faire plier bagage pour un ailleurs réconfortant pour quelques heures.

Dévoré en une journée, il fut ma pause idéale entre deux paquets de copies de brevet. Les mots d’Eric-Emmanuel Schmitt sont légers sans être superficiels, emplis de délicatesse pour aborder les choses graves, assez doux pour croire plus fort en l’humanité.

Paris est mangé par le néant. Les arbres ont pris la couleur du bitume, le bitume a pris la couleur des pierres, les pierres ont pris la couleur de l’ennui. La terre a été trop décrottée, trop remuée, trop aseptisée, trop javellisée, elle est devenue stérile, elle étouffe sous les pavés et l’asphalte. Dans les fentes des trottoirs, il n’y a plus d’espace pour que l’humus respire, pas un joint de mousse, seulement de la crasse. Le vent ne circule plus, il a été arrêté par les murs ; au Sénégal, il enfle, il siffle, il râle ; ici, on l’a fichu en prison. Comment subsister dans cette atmosphère policée, privée de canicule, d’oiseaux sauvages, de félins assoiffés, d’insectes opiniâtres, de frayeur devant les esprits de la nuit? Sans vénération et terreur du soleil? Sans attente de la pluie? Sans craindre le village contigu ? Où est le guépard? Où est la fournaise? Où se tapissent les démons? Où surgissent les génies ?

Avez-vous lu ce dernier roman de l’auteur ?

Avez-vous aimé certains de ses livres ?

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.